Camille Flayol
La Fromagerie des Cevennes
La route de la Corniche, ancienne voie royale, traverse Saint-Roman-de-Tousque. De là, par une petite route sinueuse et vertigineuse, on plonge dans la Vallée Française. A Moissac-Vallée-Française, on longe la rivière pour arriver à La Pélucarie où se trouve la Fromagerie des Cévennes, située dans un site unique et protégé classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Une coopérative pour faire vivre la Vallée Française
A la fin des années cinquante, dans un contexte de fort dépeuplement, quelques éleveurs se réunissent pour trouver, ensemble, comment faire vivre leur vallée. Chacun avait un petit élevage de vaches, de moutons ou de chèvres. L’idée forte qui se dégage est de développer la production de lait de chèvre. La chèvre, animal emblématique des Cévennes, est bien adaptée au relief escarpé. Friande d’herbe mais aussi des plantes du pays comme les ronces, le lierre, les feuilles de châtaigniers et même les châtaignes, elle produit un lait très goûteux.
En 1959, « la Coopérative du Pélardon des Cévennes » est créée avec 15 adhérents. A la fin des années 1970, c’est 140 producteurs qui apportent chacun 10 à 40 litres par jour.
Avec les départs à la retraite, on compte 30 producteurs dans les années 90. Une deuxième génération de producteurs arrive, toujours aussi motivée pour produire des produits de terroir savoureux. Ils agrandissent et modernisent les exploitations pour fournir annuellement 1,5 millions de litres de lait. C’est un nouveau chapitre pour la Coopérative.
En 2000, le Pélardon devient une AOP et acquiert, ainsi, ses lettres de noblesse pour toute la France. La coopérative devient « La Fromagerie des Cévennes » pour mieux affirmer son identité ancrée sur le territoire.
Aujourd’hui, les 18 salariés dirigés par Camille Davoult, une jeune ingénieure bretonne qui a fondé sa famille ici, transforment et commercialisent le lait collecté chez 19 producteurs. Véritable acteur économique local en étant le premier employeur de la vallée, la coopérative fait vivre une cinquantaine de familles de la Vallée Française.
Producteur Coeur Lozère
Laurent Augier • Vache48
Innovation permanente
Après une installation provisoire à Moissac, en 1961, une fromagerie moderne est construite à La Pélucarie, juste à côté de la rivière, Le Gardon, pour avoir en abondance l’eau nécessaire mais si précieuse dans les Cévennes. Pour traiter les effluents de la coopérative, l’idée innovante de la méthanisation a germé. Aujourd’hui, la petite centrale de méthanisation, qui jouxte la fromagerie, permet la fourniture de l’eau chaude, le chauffage des locaux tout en diminuant les coûts de l’énergie. Pour les producteurs, l’ambition est de passer d’une production familiale à une production importante et de qualité, dans le respect des normes, tout en conservant le côté artisanal. La production a débuté avec un Pélardon artisanal pour atteindre, en 2014, 112 tonnes de fromages dont presque 60% de Pélardon AOP.
Le reste de la gamme est composé du « Moissac des Cévennes » et du « Seilloux » – du nom du récipient en bois utilisé pour la traite -, très appréciés pour leur saveur traditionnelle affirmée. Une gamme bio est lancée par la fromagère, comprenant la « Faisselle » et la « Parpaillote », une tomme de chèvre au lait cru. Le dernier né est un fromage frais nature ou au thym qui se déguste en entrée, plat ou dessert, verrine, soufflé ou encore en crème brûlée, agrémenté de vin blanc de préférence.
Les médailles, notamment une d’or pour la « Faisselle » bio et une de bronze pour la « Parpaillote » bio au concours régional Languedoc-Roussillon, viennent récompenser la qualité, certifiée ISO 22000, et l’esprit terroir que la Fromagerie des Cévennes a su protéger.
De père en fils
Jean Flayol est le président de la Fromagerie des Cévennes depuis 2000. Il succédait alors à Bernard Etienne qui avait pris la suite en 1985 du premier président qui n’était autre que Paul Flayol, le père de Jean: une figure des Cévennes qui avait été président de la Chambre d’Agriculture de la Lozère et maire de Moissac-Vallée-Française. Les 3 présidents ont eu à cœur de maintenir les valeurs humaines de la coopérative avec une juste rémunération des producteurs.
En 1985, Jean Flayol et son épouse Anne-Lyse décident de revenir, à l’heureuse surprise de son père, reprendre l’exploitation familiale à Saint Roman de Tousque. L’exploitation ne comptait plus qu’une quinzaine de chèvres. En 1987, une nouvelle chèvrerie est construite et le développement se fait progressivement. Aujourd’hui, ils exploitent 80 hectares sur des parcelles améliorées, avec un troupeau de 100 chèvres moitié Saanens, moitié Alpines, ce qui correspond à la moyenne des éleveurs de la coopérative.
Après l’avoir rénovée, Jean et Anne-Lyse habitent ce qui était, autrefois, l’écurie et la grange de l’hôtel-relais, devenu l’école aujourd’hui, sur la route royale qui reliait Nimes à Saint Flour. L’ouverture des routes des vallées, à la fin du XIXème siècle, a détourné le trafic et obligé les arrières grands parents, qui tenaient l’hôtel, à devenir paysans sur la petite exploitation héritée par Jean.
Aujourd’hui, Jean et Anne Lyse, après de belles années passées à développer cette terre des Cévennes, transmettent leur exploitation à Camille, l’épouse de leur neveu.
L’histoire continue pour la production de fromages aux goûts savoureux dans la Vallée Française, une histoire professionnelle alliant tradition et modernité mais surtout une histoire humaine alliant passion et solidarité.
* Extrait du Livre « Des femmes & des hommes une histoire de passion » publié en 2015, en vente à Hyper U Coeur Lozère.