Régis Fabre
La truite du Mont-Lozère
Aux confins de la Lozère, tout près de l’Ardèche et du Gard, Villefort est une petite citée chargée d’histoire. Aujourd’hui, on connait surtout le barrage de Villefort et son plan d’eau qui contribue à en faire un agréable lieu de vacance.
Un projet novateur bien accueilli
Le lac de Villefort faisait partie des sites potentiels. Régis, originaire d’Epinal, avait été intégré au projet dans le cadre de la spécialisation « aquaculture marine » de sa Maîtrise de Biologie Marine.
En 1997, croyant à cette technique, Régis vient donc proposer ce projet original à la commune de Villefort. Et c’est bien l’accueil enthousiaste de la Mairie qui a permis d’embarquer la communauté de commune qui s’est portée propriétaire des installations pour avoir l’accord d’EDF, gestionnaire du barrage. C’est aussi l’appui des diverses instances politiques et administratives qui a permis d’obtenir toutes les autorisations nécessaires. Pour pouvoir installer Régis comme Jeune Agriculteur, les organismes agricoles ont dû convertir des mètres cubes d’eau en mètres carrés de surface. Des solutions administratives provisoires ont été trouvées avant que, sous la pression des élus, l’autorisation définitive soit accordée en 2013 ! Aujourd’hui, Régis est en GAEC avec Guy pour la production. Ils ont créé une société pour la transformation et la commercialisation dans laquelle Cédric est associé. Deux autres personnes à mi-temps complètent cette petite équipe.
Producteur Coeur Lozère
Laurent Augier • Vache48
Une production écologique
Cinquante cages, arrimées par 53 mètres de fond, flottent en un bloc sur le lac. Elles ont une profondeur de 12 mètres pour que le poisson puisse se positionner à la bonne température en fonction des variations climatiques saisonnières, l’altitude de 600 mètres assurant la fraicheur de base. La hauteur du niveau du barrage variant régulièrement avec les lâchages d’EDF entraine la destruction d’un écosystème parasite à base d’algues qui pourrait s’installer à niveau constant. L’agriculture extensive occupant peu de surface dans ces vallées escarpées et une faible concentration de population protège l’eau du lac des pollutions. Mais l’originalité de la technique repose sur la profondeur du lac car c’est les bactéries anaérobies de profondeur qui vont détruire et minéraliser les déchets des poissons qui tombent par gravité. Quarante analyses d’eau par an à différentes hauteurs et des sédiments en profondeur attestent que le pavillon bleu pour la baignade est bien justifié et que les habitants de Pourcharesse peuvent boire sans crainte leur eau venue du lac.
Au départ, Régis prenait des truites en estive de 3 piscicultures du Vigan et des Fumades qui transhumaient une partie de leurs bassins en été. Peu à peu, ces piscicultures ont arrêté leur activité, remplacées un temps par la Fédération de Pêche qui venait élever des truites pour repeupler les rivières. Aujourd’hui, la plateforme est entièrement à la disposition du GAEC « La truite du Mont Lozère » qui y élève une trentaine de tonnes de truites. C’est l’aspect écologique qui a séduit Régis et, paradoxalement, c’est les écologistes qui ont été les plus difficiles à convaincre pour cette première en France.
Des truites bio de bout en bout
Les truitelles, entre 10 et 20 grammes, arrivent d’une pisciculture de la Drôme Elles sont mises à 10000 dans une case puis transférées au fur et à mesure dans des cases plus grandes pour qu’elles aient de l’espace. L’aliment distribué tous les jours, sauf le dimanche, est bio avec 2/3 de composants végétaux et 1/3 de poissons de pêche. Cet élevage extensif double le temps de croissance mais c’est ce qui donne la fermeté et la qualité gustative des truites élevées dans le lac. Les truites de 18 mois sont vendues fraiches et en portion. Le salage naturel par simple pose sur du sel sec apporte le moelleux. Le conditionnement sous vide se fait sans addition de gaz de conservation. Enfin, les truites, qui ont mis 4 ans à atteindre 3 kilos, sont fumées naturellement avec du bois bien sec provenant des environs : du hêtre et un peu de châtaigner qui apporte plus de tannin. Pour compléter la gamme, des terrines de truite à la châtaigne et une soupe viennent étonner les consommateurs. La production se fait dans un atelier près de la gare, mis à disposition par la Mairie, que Régis a équipé puis acheté progressivement. Cet atelier, aux normes européennes « tout produit », permet aussi à d’autres producteurs de venir faire leur transformation à façon. Tout ce processus, de l’élevage au produit fini, respecte, bien au-delà des exigences, le cahier des charges de l’agriculture biologique et justifie largement le logo AB apposé sur les étiquettes. La commercialisation se fait chez des restaurateurs, des magasins Biocoop, des grandes surfaces, quelques clients à Paris et la vente directe au magasin.
Le projet est devenu réalité. Les bassins font partie du paysage du lac. L’atelier tourne en continue et quand d’autres producteurs viennent partager une partie des installations, c’est aussi l’occasion de partager un moment de convivialité.
* Extrait du Livre « Des femmes & des hommes une histoire de passion » publié en 2015, en vente à Hyper U Coeur Lozère.